Chili 73, à l’épreuve du temps: impacts et réinterprétations du 11 septembre chilien

Colloque international sur deux sites
Rennes, 19 et 20 septembre 2013
IEP -SciencePo- Rennes
Brest, 23 et 24 septembre 2013
U. de Brest

Appel à communication ouvert jusqu’au 1er mai 2013

Argumentaire:

L’expérience chilienne d’Unité Populaire (1970-73), suivie avec grand intérêt et enthousiasme dans nombreux pays -et tout particulièrement en France- s’est déroulée durant trois brèves années d’effervescence et polarisation. L’arrivée au pouvoir par les urnes du socialiste Salvador Allende, dans un pays situé au temps de la guerre froide dans la sphère d’influence étasunienne, permettait d’entrevoir un dépassement du statu quo. Durant la courte expérience de socialisme en démocratie, le Chili fut au centre de beaucoup de regards : de nombreux politiques, syndicalistes, artistes et intellectuels du monde entier s’y déplacèrent, pour voir de près ou participer pleinement aux changements en cours. Le coup d’État du général Pinochet le 11 septembre 1973 fut un véritable coup de massue qui mit un terme brutal à la voie chilienne vers le socialisme et anéantit durablement les rêves qu’elle avait pu susciter. Le choc fut à la hauteur des espoirs déçus, d’autant plus profond et traumatique que la violente répression se voulut retentissante et exemplaire.
Ce colloque propose de s’interroger à la fois sur les conséquences de l’événement -au niveau national et international- et sur les particularités de sa réception et réinterprétation, non seulement lors du saisissant moment initial, mais dans son assez longue temporalité conduisant jusqu’à notre temps présent : tantôt le souvenir du coup d’État s’estompe et quasiment disparaît, tantôt il fait subitement irruption sur le devant de la scène. Le 11 septembre des tours jumelles fut un fait parmi d’autres qui, par la coïncidence des dates, réactiva la mémoire du 11 septembre chilien en le reléguant par là-même à une place secondaire ; l’arrestation de Pinochet à Londres (1998) ou le 30ème anniversaire du coup d’État constituèrent des moments de réemergence et rupture, entrelacés à d’autres réminiscences pas toujours aussi intenses et tangibles. Pour les chiliens eux-mêmes la rémanence est logiquement plus vive ; y compris dans les périodes de plus fort refoulement amnésique, la figure du dictateur – honni ou encensé- survient sans cesse. Plus inattendue s’avère peut-être la trace durable que la fin tragique de l’Unité Populaire a laissé en dehors du Chili et qui semble avoir profondément marqué toute une génération, notamment en France ; aussi, le parcours ultérieur d’un certain nombre d’intellectuels pourrait être analysé au regard de ce qu’à un moment donné le Chili a signifié pour eux ; certaines coopérations France-Chili semblent également en être le fruit, il reste à déterminer dans quelles conditions et dans quelle mesure.
À quarante ans des faits, il nous a paru pertinent de reprendre ces questions à l’aune du temps qui passe en suscitant une réflexion, parfois une auto-réflexion, sur les effets toujours persistants du coup d’État chilien du 11 septembre 73 et sur ses successives reinterprétations.
 
Les propositions de communication devront s’inscrire dans l’un des axes des ci-dessous :
 
Thématiques spécifiques à Brest
 
Justice et droits humains
Organiser un colloque à 40 ans du coup d’État au Chili ne peut esquiver la question de la justice et des droits humains. Le retour de la démocratie en 1990 avec l’élection du président Patricio Aylwin a donné lieu à la création d’une commission « vérité et réconciliation » et à la rédaction du rapport Rettig -en 1991- permettant une première estimation des crimes commis sous la dictature. Cependant, il a fallu attendre l’arrestation de Pinochet en 1998 à Londres pour que se pose au Chili de manière forte et publique la question de la violation des droits humains. Suite à la désignation d’un juge (ministro en visita) -Juan Guzmán- chargé d’instruire la plainte déposée par Gladys Marin secrétaire générale du parti communiste chilien, plusieurs autres juges ont été chargés d’enquêtes sur les crimes perpétrés pendant la dictature, entraînant des arrestations et condamnations. Cependant, ce processus est marqué par une insatisfaction globale des organismes de défense des droits humains : il n’y a pas eu de véritable condamnation du régime dictatorial, les principaux responsables de la dictature n’ont pas été condamnés par les tribunaux et la visibilité de ces affaires sur l’arène publique chilienne reste assez limitée. Comment expliquer une telle situation ? Quels sont ses effets dans Chili actuel ? Par quels mécanismes les juges chiliens procèdent-ils pour mener à bien leurs enquêtes ? Le colloque sera l’occasion de s’interroger sur les différentes dimensions, notamment juridiques et sociales, d’une telle situation ainsi que sur son versant international.
Politiques publiques : santé, travail, pauvreté
Le Chili est présenté dans les différents organismes internationaux comme un pays « modèle » sur le plan de sa réussite économique et de stabilité politique (voir les différents rapports internationaux). Sur quel type de modèle social se fonde cette réussite ? Que reste-t-il des grandes questions sociales soulevées par la présidence de Salvador Allende ? Les récents mouvements étudiants nous invitent à interroger de manière directe les politiques publiques conduites au Chili. S’il est indéniable que les chiliens réclament une place plus importante de l’État dans la régulation interne, il est paradoxal de constater une forte réticence (voire une rupture) entre les élites et les demandes sociales. Le présent axe vise à établir un état des lieux sur des thèmes transversaux tels que la santé, le travail et la pauvreté pour mieux comprendre les évolutions du Chili face à ces enjeux. L’ampleur des derniers mouvements sociaux (lycéens, étudiants, écologistes, etc.) soulève une série d’interrogations sur les formes actuelles de régulation sociale et politique au Chili ainsi que sur leur singulière gestation et persistance.
Thématiques spécifiques à Rennes
 
• Réforme agraire et développement agricole dans le territoire ancestral mapuche
Le partage des terres fut dans le Chili des années 60 l’objet principal des politiques réformistes, accentués et accélérées sous l’Unité Populaire (70-73), en particulier par la pression des revendications mapuches. L’ère pinochetiste introduit des ruptures considérables qui connectent le développement agricole régional aux marchés mondiaux. Il s’agira de s’interroger sur l’ampleur et profondeur des changements qui ont démantelé l’ancienne politique de réforme agraire et d’envisager les répercussions sur les populations locales, en particulier les mapuches du sud chilien. Aussi comment malgré les problèmes et limites du modèle agricole implanté, celui-ci a perduré à la fin de la dictature et quelles sont ses incidences sur le conflit actuel entre les paysans mapuches et notamment les entreprises forestières. Dans ces circonstances, comment une partie des organisations indiennes est-elle passée d’une réclamation sur l’accès à la terre à la revendication d’un territoire mapuche?
 
• Mémoires traumatiques dans les arts : chanson, musique et cinéma
Cet axe retiendra le cinéma et la chanson, en tant que deux moyens d’expression privilégiés qui, d’abord depuis l’exil et peu à peu également au Chili, véhiculèrent une mémoire de l’événement en permettant d’exprimer l’indicible de la violence, la répression, la disparition… Les artistes chiliens vivant en exil contribuèrent fortement à maintenir l’attention de l’opinion internationale sur les exactions que la dictature continuait à perpétrer ; l’important succès qu’ils rencontrèrent s’explique en partie par le grand capital de sympathie dont bénéficiait alors la cause chilienne. Dans une perspective d’histoire culturelle il s’agira d’analyser les itinéraires des cinéastes et des musiciens interprètes ainsi que leurs productions. Il pourrait s’avérer également intéressant d’étudier leur parcours politique en lien avec leur pratique artistique et d’examiner leur devenir à la fin de la dictature : restèrent-ils dans leurs pays d’exil ou rentrèrent-ils au Chili? Dans ce dernier cas, dans quelles conditions ont-ils pu se réinsérer dans le Chili post-dictatorial? Ont-ils poursuivi une pratique artistique engagée? Dans quel cadre et de quelle nature?
 
• Pensée critique, mouvements sociaux et politiques alternatives
Y compris aux moments les plus sombres de la dictature une pensée critique a fait son chemin, ayant trouvé des refuges institutionnels pour se maintenir elle a nourri des mouvements de protestation le plus souvent marginaux mais qui néanmoins, à plusieurs reprises durant ces 40 ans, ont pu atteindre des dimensions spectaculaires, jusqu’à induire parfois des changements politiques non-négligeables ; on s’intéressera aux niveaux de mobilisation et aux répertoires d’action de ces mouvements sociaux au cours du temps. Aussi, des initiatives en marge des modèles dominants -sous dictature et en transition- ont pu localement voir le jour sous forme de coopératives, d’établissements d’enseignement, d’assemblées aux fonctionnements participatifs, etc. Quels sont les degrés d’accommodement et de rupture qu’elles présentent? Enfin, il s’agira d’examiner dans quelle mesure et comment cette mouvance, hétérogène et changeante, recourt à des modes d’action et des symboliques caractéristiques de l’Unité Populaire. Lorsque c’est le cas, comment réactivent-elles concrètement une interrogation sur l’ordre social qui s’est imposé au Chili en 1973 et qui se voit perpétué par une Constitution fruit de la dictature?
 
Thématiques transversales qui seront abordées lors des tables rondes dans les deux sites
 
• La coopération Bretagne / Chili
• Retours sur expérience : les étrangers vivant au Chili durant l’Unité Populaire face au coup d’État, répercussions sur leur parcours intellectuel et professionnel.
 
Organisateurs:
• Jorge MUÑOZ RODRÍGUEZ, Université de Brest / Directeur adjoint ARS, EA 3149
• Jimena OBREGÓN ITURRA, IEP -SciencesPo- Rennes / UMR 62 58 CERHIO équipe CHACAL / 
Déléguée Pôle-Ouest IDA, VP-RI de l’IDA-Rennes
 
Comité scientifique
National: Marie-Thérèse CAM, ISHS, U. Brest ; Luc CAPDEVILA, U. Rennes 2 / UMR 6258 CERHIO équipe CHACAL /IDA-Rennes ; Pablo DÍAZ, IEP -SciencesPo-Rennes / CIAPHS, EA 2241 / IDA-Rennes ; Mathieu DOAT, U. Brest ; Arlette GAUTIER, U. Brest /référent IDA / CRBC ; Sylvie OLLITRAULT, UMR 6051 CNRS CRAPE /IDA-Rennes, présidente ; Lionel SOUQUET, U. de Brest / EA 4249 HCTI.
International: José BENGOA, UAHC, Chili ; Milton GODOY, UAHC , Chili ; Julio PÉREZ SERRANO, U. de Cadiz, Espagne ; Jorge PINTO, UFRO, Chili ; Víctor Daniel MUÑOZ, Universidad de Chile.
 
Comité d’organisation
Site de Brest: Annick MADEC, Hervé HUDEBINE Université de Brest ; Carolina GUTIÉRREZ RUIZ, chercheur au Madopa.
Site de Rennes: Andrés IMBERNON, Antonio MUÑOZ de ARENILLAS et Matías SÁNCHEZ BABERÁN de l’IEP-SciencesPo- Rennes ; Christophe GIUDICELLI et Nicolas RICHARD de Chacal-CERHIO.
Les propositions de communication comporteront une brève présentation du communicant (discipline, appartenance institutionnelle, etc.) et un résumé d’environ 500 mots.
Pour Brest elles seront adressés à claudie.inisan@univ-brest.fr avec copie à jorge.munoz@univ-brest.fr
Pour Rennes à chili73.rennes@gmail.com avec copie à jimenaobregon@hotmail.com